Plongée aux archives
La forme de la Terre dans l'Histoire occidentale
La connaissance de la forme de la Terre a débuté en Occident il y a 2 500 ans. Elle a depuis été mesurée, corrigée et précisée. L'histoire de notre vision du monde est riche en intuitions géniales, en raisonnements brillants... autant qu'en erreurs magistrales et en légendes diverses qui donnent encore aujourd'hui lieu à de résistantes idées reçues. Faisons l'état des lieux de ce que nous connaissons aujourd'hui.
Publié le 02 juillet 2020
Temps de lecture : 30 minutes


Le premier à en donner une estimation est Eudoxe (408–355 av. JC), qui l’évalue à 400 000 stades – soit 74 000 kilomètres, presque le double de la réalité. Il est difficile de savoir comment il a obtenu ce résultat, car le détail de ses travaux a été perdu, mais il est probable qu’il ait mesuré la hauteur d’une étoile en différents endroits d’un même méridien.
Le phénomène de réfraction atmosphérique, encore inconnu à son époque, a pu fausser ses observations et le conduire à cette nette surestimation. Quoi qu’il en soit, étant la seule valeur disponible pendant quelques décennies, elle est reprise par les savants suivants et, notamment, par celui dont la Science va dépendre pendant plusieurs siècles : Aristote (384–322 av. JC).

L’illumination d’Ératosthène
Le premier calcul encore aujourd’hui documenté des dimensions de la Terre est l’œuvre d’Ératosthène (276–194 av. JC).
En visite à Syène (Assouan), Ératosthène est ébloui par le reflet du soleil au fond d’un puits. Effectivement : le jour du solstice d’été, le soleil de midi est au zénith d’Assouan, car la ville est située sur le Tropique du Cancer. Il remarque en outre que le Soleil n’est jamais à la verticale d’Alexandrie. Grâce à l’absence de parallaxe du soleil, on sait que ses rayons peuvent être considérés comme parallèles entre eux et qu’il doit donc se trouver très loin de la Terre. S’il n’est jamais à la verticale d’Alexandrie, ce ne peut donc être que l’effet de la courbure de la Terre.
En mesurant la longueur de l'ombre d'un gnomon le jour du solstice d’été à Alexandrie, il déduit l’angle qui la sépare d’Assouan par la règle des angles alternes-internes. Il mesure ensuite la distance entre les deux villes pour ensuite la convertir sur 360° et obtenir la circonférence polaire de la Terre.


La double erreur de Ptolémée
Ptolémée étend sa cartographie jusqu’à l’Extrême-Orient. N’y étant pas allé en personne, il sous-estime les difficultés de la route empruntée par les voyageurs dont il recueille les témoignages, ce qui le conduit à évaluer la distance du Japon à environ 14 000 km, au lieu des 10 000 réels.
Or, en traçant un continent plus étendu qu’il n’est sur la sphère trop petite de Marin de Tyr, la distance par la mer entre les extrémités du continent diminue fortement.
Cette double erreur aura une conséquence très inattendue 1 400 ans plus tard…



Les expéditions portugaises barrent le passage aux initiatives de l’Espagne dont la situation économique menace dès lors de devenir critique, entraînant à brève échéance la fin de sa domination en Europe.
À la fin du XVe siècle, un Génois se met au service d’Isabelle de Castille pour tenter de devancer le Portugal en rejoignant l’Extrême-Orient par l’Ouest. Il a une absolue confiance en la mesure de Marin de Tyr, rapportée en dernier lieu par Pierre d’Ailly. Par ailleurs, selon l’étendue du continent eurasiatique de Ptolémée, il estime les Indes à une distance de 1 780 lieues marines, soit au plus deux mois de navigation.
La reine d’Espagne reste dubitative, car les découvertes portugaises ont jeté le doute sur l’ensemble des travaux d’Alexandrie. Il n’est pas simple pour un bateau de tenir la mer sans escale pendant deux mois ; et si le globe devait se révéler presque trois fois plus vaste, comme Aristote l’a écrit, l’expédition serait à coup sûr vouée à l’échec. Mais le comptable de la reine calcule ce que le succès du voyage ferait économiser à l’Espagne en termes de court-circuitage des intermédiaires. Elle ordonne alors la construction d’une caraque et de deux caravelles afin d’envoyer le Génois Christophe Colomb à la conquête de l’Ouest.

Le destin inattendu d’Amerigo Vespucci
Le marchand Amerigo Vespucci embarque pour les terres découvertes à l’Ouest afin d’en prospecter les possibilités commerciales.
En 1503, le rapport qu’il envoie à son commanditaire Lorenzo de Médicis après son second voyage est titré Mundus Novus car "c’est là chose absolument nouvelle pour ceux qui en entendent parler". Cette inspiration aussi lumineuse que fortuite lui vaut d’être hissé quatre ans plus tard au rang de célébrité.
Son nom est ensuite abusivement utilisé au point que beaucoup finissent par croire que c’est lui qui a découvert ce nouveau continent.
Dans l’école de géographie lorraine de Saint-Dié, le cartographe Martin Waldseemüller lui rend hommage en créant un néologisme pour nommer la baie de Rio de Janeiro : America. Ce nom circule, s’amplifie et, quelques années plus tard, s’impose comme celui de l’ensemble du continent.

Voyage de Magellan


En 1912, une nouvelle théorie relègue la question de la pesanteur au second plan. Dans La Genèse des continents et des océans, le climatologue allemand Alfred Wegener (1880–1930) suppose qu’en des temps très reculés, il n’existait qu’une seule masse continentale qui se serait fractionnée pour donner naissance aux continents actuels ; lesquels, d’après lui, continuent à dériver à la surface du globe ; toujours d’après lui, ce mouvement expliquerait la formation des chaînes de montagnes et les tremblements de terre.
Pour appuyer sa théorie, il convoque nombre d’observations multidisciplinaires : géographie (la complémentarité des côtes africaine et sud-américaine), paléontologie (les similitudes de fossiles en des endroits éloignés), climatologie (les traces de changements climatiques inexplicables de manière globale), entre autres.
S’appuyant sur la théorie orthodoxe selon laquelle le relief s’explique par le refroidissement de la Terre, bien des scientifiques tournent les idées de Wegener en ridicule en lui demandant de désigner la force phénoménale qui pourrait générer un mouvement de masses telles que les continents. Or Wegener ne peut proposer aucune explication satisfaisante à ce sujet. Cette force n’est affirmée qu’en 1931 par le géologue anglais Arthur Holmes (1890–1965), quelques mois après la mort de Wegener au Groenland : les mouvements de convection du manteau terrestre.


Mis à jour 08/03/2024