Balade en forêt
La forêt sous l’œil des satellites
Parce qu’ils repassent rapidement à la verticale des mêmes points et produisent des images sur un large spectre électromagnétique, les satellites d’observation de la Terre sont de bons candidats au suivi temporel des milieux et, parmi eux, de la forêt. Ils peuvent détecter un changement soudain de végétation, faciliter l’identification des essences, améliorer la précision des cartes ou l’évaluation de la ressource en bois. Cet article est paru dans le numéro 109 d'IGN MAG dédié au spatial.
Publié le 02 octobre 2024
Temps de lecture : 10 minutes
Si, dans les faits, les satellites demeurent encore peu utilisés, l’accélération de la transformation de la forêt consécutive au changement climatique leur promet une place croissante dans la boîte à outils de ses gestionnaires, publics comme privés. En progrès continu depuis son plus bas historique au milieu du XIXe siècle, la forêt française semblait avoir tout son temps… Au point qu’à sa création, en 1958, l’Inventaire forestier national pouvait donner à ses agents douze ans pour boucler leur premier tour de France. À raison. Selon les essences, un arbre met de 50 à 150 ans pour arriver à l’âge de la récolte.
50 à 150 ans Un arbre met de 50 à 150 ans pour arriver à l'âge de la récolte
Les scolytes attaquent
Plus récemment, la télédétection satellitaire a montré la même efficacité dans le suivi des ravages dus aux scolytes – plus précisément les typographes – dans les peuplements d’épicéas. Ce petit coléoptère pond sous leur écorce et, si l’opération réussit, il émet des phéromones qui attirent ses congénères, créant un phénomène de concentration à l’origine d’un foyer de mortalité. Ses larves peuvent tuer un arbre en moins d’un mois en dévorant ses tissus qui acheminent la sève. Elles deviennent alors adultes et sont prêtes à prendre leur vol pour pondre dans le suivant. Les épicéas en pleine santé se défendent en produisant de la résine. Depuis 2018, la multiplication des sécheresses et le réchauffement des températures les ont affaiblis et désarmés, tout en augmentant le nombre de générations possibles de leurs agresseurs.
De l’ordre de 110 000 hectares sont ainsi morts sur pied dans un grand quart nord-est de la métropole. Or, les coupables signent leur méfait sur les images des satellites Sentinel-2, dont le spectre étendu jusqu’à l’infrarouge caractérise finement la teneur en eau de la végétation. En repassant au même endroit tous les cinq jours, elles peuvent fournir, en léger différé, le film des attaques à mesure que les épicéas se dessèchent. Ces images constituent un outil d’autant plus précieux pour appréhender les dynamiques à l’œuvre que leur résolution – 10 mètres sur 10 mètres – est suffisante pour procéder à des vérifications sur le terrain. « Il nous faut trois acquisitions pour poser un diagnostic d’attaque, ce qui prend 10 jours sans couvert nuageux intempestif, explique Thierry Bélouard, expert référent national santé des forêts pour le ministère chargé de l’Agriculture. Ensuite, il faut faire parler les images. Pour cela, l’Inrae a mis au point une chaîne de traitement automatisée nommée Fordead qui compare leur indice spectral – je simplifie – avec celui des images prises au même endroit et à la même période de l’année mais en 2016 ou en 2017, avant la crise des scolytes. C’est impressionnant de voir les valeurs s’écarter de la référence à mesure que l’attaque se développe. »
35 % des dégâts des scolytes passeraient « sous les radars »
Mis à jour 03/12/2024