Balade en forêt

La forêt française continue à gagner du terrain mais subit lourdement les effets du changement climatique

L'état des lieux dressé par l'IGN dans le cadre de sa mission d'inventaire forestier confirme l'impact du changement climatique sur la forêt française. Si celle-ci gagne encore en superficie, son état se dégrade et sa capacité à assurer son rôle de puits de carbone s'amoindrit. Les principales informations à retenir des données publiées cette année.

Publié le 10 octobre 2024

Temps de lecture : 10 minutes

La forêt continue de s'étendre

La forêt couvre aujourd’hui 17,5 millions d’hectares, soit 32 % du territoire hexagonal et Corse. Cela fait d’elle le deuxième type d’occupation du sol en France après l’agriculture qui occupe pour sa part plus de 50 % du territoire.  
Depuis près de deux siècles, la forêt n’a cessé de gagner du terrain. De 1908 à 1985, sa superficie est passée de 10 millions à 14,1 millions d’hectares, progressant de plus de 50 000 hectares chaque année en moyenne. 
Sur les quarante dernières années, la tendance s’est confirmée et amplifiée avec un accroissement annuel de la superficie forestière de l’ordre de 90 000 hectares par an, pour un gain total de 3,3 millions d’hectares entre 1985 et aujourd’hui. C’est plus que l’équivalent de la région Pays de la Loire !
Plusieurs facteurs expliquent cette expansion dont le Massif central, la zone méditerranéenne et la pointe bretonne ont été les premiers bénéficiaires : l’exode rural et la révolution agricole d’après-guerre d’une part, mais aussi le boisement de 2 millions d’hectares entre 1947 et 1999 soutenu par le Fonds forestier national (FFN).
Et les observations très récentes révèlent que cette extension est toujours d'actualité, malgré les menaces qui pèsent sur la forêt. 

Et les forêts d'outre-mer ?

La forêt des cinq départements et régions d’outre-mer (DROM) représente près de la moitié de la superficie forestière de l'Hexagone et de la Corse, soit 8,24 millions d’hectares. Le taux de boisement dans ces territoires est compris entre 38 % (Mayotte) et 97 % (Guyane). C’est un taux toujours supérieur à celui de la France hexagonale et Corse (32 %). Le patrimoine forestier ultramarin est extrêmement riche, tant en termes de biodiversité que de stock de biomasse.

La Corse-du-Sud reste le département le plus boisé de France

La Corse-du-Sud reste en tête des départements les plus boisés devant six autres territoires dont le taux de boisement est supérieur ou égal à 60 % (Alpes-Maritimes, Var, Alpes-de-Haute-Provence, Haute-Corse, Ardèche et Landes). En 1908, aucun département ne franchissait la barre des 60 %.
La Manche, la Vendée, la Mayenne et les Deux Sèvres sont en revanche les départements les moins boisés de France et présentent tous un taux de boisement inférieur à 10 %. Dix-huit départements se situaient sous ce seuil au début du siècle dernier.  

Trois quarts des forêts françaises sont privées

Part de la surface forestière publique par département

En France, trois quarts des forêts sont privées, soit l’équivalent de 13,1 millions d’hectares.
Le quart restant est public et se répartit entre forêts domaniales (1,55 million d’hectares) et les autres forêts publiques, essentiellement communales (2,8 millions d’hectares). Dans l’Ouest de la France, la part de la forêt privée est nettement plus élevée que la moyenne nationale et dépasse 90 % dans les régions Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine et Bretagne. La région Grand Est est la seule région où la forêt privée est minoritaire (45 %).

Les chênes sont les essences les plus répandues en métropole

Répartition du volume des arbres vivants par essence
Répartition du volume des arbres vivants par essence

Le volume des arbres vivants s'élève à 2,8 milliards de mètres cubes. Les feuillus représentent environ deux tiers de ce total. Les chênes (sessile, pédonculé, pubescent et vert) en sont les essences les plus représentées sur le territoire (44 % du volume des feuillus ; ce ratio est stable dans le temps).
L’épicéa commun et le sapin pectiné constituent à eux deux 40 % du volume des conifères (43 % il y a dix ans).
 

La mortalité des arbres a doublé en l’espace de 10 ans

En France, la mortalité annuelle s’élève en moyenne à 15,2 millions de mètres cubes (Mm³/an) sur la période 2014-2022. Cette valeur a doublé par rapport à la période 2005-2013 où elle s’élevait à 7,4 Mm³/an. Chaque année, 0,5 % du volume total de bois vivant sur pied est touché.

Cette forte accélération s’explique par les crises sanitaires liées notamment à des conditions climatiques à la fois difficiles pour les arbres (sécheresses et températures élevées) et propices aux insectes xylophages, notamment aux scolytes.

Les trois premières essences les plus touchées sont l’épicéa commun, le châtaignier et le frêne. Si le châtaignier a longtemps été l’essence la plus affectée (1,6 Mm3/an), l’épicéa commun l’a dépassé depuis la crise des scolytes de 2018-2019 (2,2 Mm3/an). Le frêne occupe la troisième place (1,4 Mm3/an) : sa mortalité est également en très nette augmentation du fait notamment d'un champignon (chalarose).

Les forêts absorbent moins de carbone

Stock de carbone à l'hectare par sylvoécorégion
Stock de carbone à l'hectare par sylvoécorégion

Après les océans, les forêts sont le deuxième plus grand puits de carbone à l’échelle planétaire. Lors de leur croissance, les arbres absorbent le carbone atmosphérique et le stockent dans le bois, matériau durable et renouvelable. Les forêts contribuent ainsi à atténuer l’effet de serre.

L’IGN dénombre en France 11,3 milliards d’arbres recensables en 2023, soit un stock de 1 300 millions de tonnes de carbone. Ce stock évolue continuellement en fonction de l’intensité́ des flux de production biologique de bois et de mortalité/prélèvements. Lorsque la production de bois est supérieure à la combinaison mortalité/prélèvements, le stock de carbone en forêt s’accroît, tandis que sa concentration dans l’atmosphère diminue. À l’inverse, lorsque le rapport s’inverse, le stock diminue et il y a un transfert du carbone des forêts vers l’atmosphère.

Ainsi, si le stock de carbone continue à augmenter, on observe depuis quelques années un ralentissement de la dynamique d’absorption du CO₂ par les forêts françaises. Sur la période 2014-2022, les forêts métropolitaines ont absorbé 39 millions de tonnes de CO₂ par an en moyenne, tandis qu’elles en absorbaient 63 millions de tonnes de CO₂ par an au cours de la période 2005-2013.

Ce ralentissement notable s’explique par l’augmentation de la mortalité des arbres qui, comme on l’a vu, est lié à la multiplication des crises sanitaires combinées à des épisodes de forte sécheresse et de canicule. Certains massifs présentent des niveaux de mortalité et de prélèvement (notamment des coupes sanitaires) supérieurs à la production biologique.

C’est néanmoins sur le long terme qu’il convient d’analyser la dynamique des massifs forestiers qui dépend de facteurs conjoncturels (catastrophes naturelles, sécheresse, etc.) et structurels (ancienneté des peuplements, état du renouvellement, etc.)


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Mis à jour 15/10/2024