Au cœur de la tech
Observer la Terre changer, au millimètre près
Derrière chaque carte ou application cartographique, il y a un procédé mis au point voici près de 400 ans. La géolocalisation a ainsi su se rendre indispensable dans nos vies quotidiennes. On sait moins le rôle qu'elle joue en matière d'observation de la Terre, pourtant essentiel dans un contexte de changements climatiques.
Publié le 31 mai 2024
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« Dès le début des années 60, grâce aux satellites artificiels, on a pu concevoir puis construire des systèmes globaux de navigation par satellites, désignés sous le sigle de GNSS (Géolocalisation et Navigation par un Système de Satellites) », poursuit Charles Velut. Le premier d’entre eux, nommé TRANSIT, est mis en service en 1964 par l’US Navy. Suivront, à partir de 1995, le célèbre GPS (Global Positioning System), également américain, puis le russe Glonass, le chinois Beidou et l’européen Galileo, le seul système de gouvernance civile.
En combinant les informations émanant d’au moins quatre satellites, un récepteur - intégré à un smartphone, un avion, une voiture… - peut fournir la position à la surface du globe avec une précision variant de quelques dizaines de mètres au mètre, voire du millimètre pour certaines applications. « La performance des GNSS est aujourd’hui devenue un enjeu de société majeur, estime Charles Velut. Avec nos smartphones, chacun d’entre nous s’attend à pouvoir être positionné précisément, à tout instant, n’importe où sur le globe. Ce qui n’est d’ailleurs pas encore le cas à l’intérieur des bâtiments, ou dans les canyons urbains et qui nécessite encore d’améliorer ces performances ou d’hybrider les GNSS avec d’autres techniques. »
Tous les cinq ans, l’IGN publie ainsi une nouvelle mise à jour de l’ITRF. La dernière en date - l’ITRF2020 -, qui s’appuie sur les observations réalisées jusqu’à décembre 2020, porte la précision du repère au niveau du centimètre, voire du millimètre. Connaître le repère avec un tel niveau de finesse permet d’améliorer les performances des GNSS et, par conséquent, d’obtenir des mesures fiables sur les évolutions du globe en cours. Mais cela va plus loin : l’IRTF lui-même est un outil de mesure des impacts du changement climatique. « Puisque le barycentre est un point d’équilibre des masses, alors si la distribution des masses à la surface du globe change, cela impacte la position dudit barycentre, explique Laurent Métivier. Chaque année, plusieurs centaines de gigatonnes de calottes glaciaires fondent. Mais ce n’est pas symétrique : la fonte est plus intense au Groënland qu’elle ne l’est en Antarctique. L’eau résultante se redistribuant vers l’équateur, il y a moins de masse au nord qu’au sud. En analysant finement la position du barycentre, nous sommes en mesure de quantifier précisément cette fonte. Et ce que l’on observe de façon claire, c’est que la perturbation est énorme : la fonte des glaces actuelle est d’ampleur phénoménale. Le repère terrestre constitue également un outil précieux pour quantifier précisément des déplacements de terrain engendrés par des séismes ou des éruptions volcaniques. » Armés des procédés de géolocalisation du 21ème siècle, en constant progrès, géophysiciens et cartographes toisent notre planète et ses évolutions au millimètre près. Pas sûr que le Roi Soleil eut apprécié.
Émilie Martin
Mis à jour 14/10/2024