Balade en forêt

Bilan de santé des forêts françaises

Le changement climatique ainsi que la pullulation et l’expansion géographique de bioagresseurs fragilisent l’état de santé des forêts françaises. Telle est la conclusion des travaux menés conjointement par l’IGN et le Département Santé des forêts du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation et publiés en novembre 2021. Le châtaignier, le frêne et l’épicéa commun sont particulièrement affectés.

Publié le 05 novembre 2021

Temps de lecture : 5 minutes

Des tendances à surveiller

L'augmentation du stock d’arbres morts s’est accélérée dans les trois dernières années.

104 millions de mètres cubes d'arbres morts sur pied pour la période 2015-2019

3,5 % du stock de bois sur pied présent en forêt

+ 30 % du stock d'arbres morts sur pied de moins de 5 ans sur les années 2018-2019

Les arbres morts sur pied sont les arbres debout qui ne présentent aucun signe de vie au-dessus d’1,30 mètre. Une augmentation du stock d'arbres morts de moins de 5 ans est observée (+ 30 %). Celle-ci est due aux différents stress climatiques ou sanitaires subis par la forêt. Pour comparaison, le stock des arbres vivants, en hausse continue depuis des décennies, atteint 2 754 millions de m3 sur la même période.

Le nombre d’arbres présentant une mortalité de branches est en légère baisse.

Parmi les arbres vivants observés, près de 95 % ont moins de 5 % de branches mortes. Sur les périodes 2008-2012 et 2015-2019, on observe une légère diminution du nombre d’arbres présentant une mortalité de branches. Cette tendance ne traduit pas nécessairement une amélioration de l’état de santé et doit être mise en perspective avec l’augmentation de la mortalité des arbres et la légère augmentation des prélèvements. 

À noter : plus disposés physiologiquement à avoir des branches mortes, les feuillus sont plus affectés que les conifères (9 % des feuillus contre 2 % des conifères).

Davantage de signes de dépérissement dans les forêts sans plan simple de gestion.

Sur la période 2015-2019, le rapport entre le volume de bois mort sur pied et le volume total (mort et vivant) est près de deux fois plus élevé dans les forêts privées sans plan simple de gestion (PSG). Cela ne signifie pas forcément que les forêts gérées sont en meilleure santé. Les arbres morts ou dépérissant peuvent y avoir été prélevés.

Le taux d'arbres morts est influencé par la répartition des essences.

Le taux d’arbres morts n’est pas homogène sur le territoire et il dépend notamment des essences présentes et de la gestion des peuplements. Il est plus élevé sur le pourtour du Massif central (environ 10 %). Il dépend notamment de la gestion des peuplements et des essences présentes (pour le châtaignier, ce taux peut atteindre localement 50 %).

Taux d’arbres morts sur pied par essence (période 2015-2019)

Châtaignier, frêne et épicéa commun : des essences particulièrement fragilisées

Le châtaignier, le robinier faux-acacia, le frêne, le pin sylvestre et l’épicéa commun sont les essences qui présentent les plus forts taux annuels moyens d’arbres morts de moins de cinq ans. Ce taux a tendance à augmenter pour les feuillus, tandis que, pour les résineux, il est assez stable.

Le châtaignier, l'essence la plus dégradée

Très affectée par différentes maladies exotiques depuis plusieurs décennies, c’est l’essence qui présente le plus de signes de dépérissement. Selon le Département de la santé des forêts (DSF), cette situation est la conséquence d’un abandon de la gestion des vergers et des taillis touchés de plein fouet par le chancre dans le sud de la France.
Par ailleurs, à la faveur des hivers doux et des étés secs  depuis les années 2010, des foyers d’encre extrêmement importants et en particulier dans le nord du pays explosent.

Le frêne, victime de la chalarose

Depuis plusieurs années, le volume de frênes morts sur pied est en constante augmentation. Celui-ci a plus que doublé en moins de dix ans passant de moins de deux millions de mètres cubes avant 2015 à presque cinq millions de mètres cubes en 2018. Selon le Département de la santé des forêts, la chalarose est incontestablement responsable de la hausse des dépérissements récents depuis 2015. Le taux d’arbres morts reste malgré tout dans la moyenne (3,8 %). En parallèle, le stock de bois vivant se stabilise autour de 110 millions de m3.

L’épicéa commun au cœur de la tourmente

Le taux d’arbres morts de cette essence est élevé pour un conifère : 4,3 % (+ 0,9 point par rapport à la moyenne). Les étés chauds et secs des années 2018 à 2020 ont favorisé les attaques de scolytes et donc encore augmenté sa mortalité.

Quatre bioagresseurs aux conséquences funestes pour nos forêts

Le chancre du châtaignier

Repérée en France pour la première fois en 1956, cette maladie est due à Cryphonectria parasitica, un champignon originaire d’Asie. Ce parasite provoque des lésions sur tronc, branches ou rejets, induisant souvent le dessèchement d’une partie de l’arbre. Un virus hyper parasite diminuant la virulence de cette maladie produit de bons résultats sur les peuplements anciennement infectés du sud de la France : les chancres sont en cours de cicatrisation et ne provoquent plus de mortalité.

L’encre du châtaignier

L’encre du châtaignier est due à deux champignons également originaires d’Asie, Phytophthora cambivora et P. cinnamomi, arrivés en France à la fin du XIXe siècle. À partir des années 2000, l’alternance de périodes humides et sèches, l’adoucissement des hivers et certaines pratiques culturales ont favorisé la dissémination de ces pathogènes et la multiplication de foyers. Les essences les plus touchées sont le chêne rouge et surtout le châtaignier, ce dernier mourant immanquablement par destruction racinaire.

La chalarose du frêne

Le champignon asiatique, Hymenoscyphus fraxineus, détecté pour la première fois en 2008 en Haute-Saône est à l'origine de la chalarose du frêne. Les conséquences de cette maladie sont catastrophiques : les jeunes frênes meurent rapidement tandis que les nécroses au collet induites chez les arbres plus anciens les fragilisent en quelques années. Le taux d’arbres asymptomatiques est très faible et laisse peu d’espoir quant à l’avenir de l’espèce comme essence de production.

Les scolytes de l‘épicéa

Les scolytes de l‘épicéa, en premier lieu le typographe et le chalcographe, sont des insectes autochtones s’attaquant prioritairement à des arbres affaiblis. Quand les conditions, climatiques notamment, changent (sècheresses, canicule), ils entrent en pullulation épidémique et s’en prennent aux arbres sains. Au contraire des scolytes du sapin, ils sont plutôt coriaces et, même lorsque les conditions de leur apparition initiale ont disparu, leurs pullulations continuent pendant plusieurs années.

Pour dresser le bilan de santé des forêts françaises, les experts de l’inventaire forestier et du Département de la santé des forêts (DSF) observent en continu puis analysent en particulier deux indicateurs : 

  • le stock d’arbres morts (notamment celui mort depuis moins de cinq ans)
  • la mortalité des branches dans le houppier des arbres (branches situées autour de la cîme)

La nature des données collectées par l'inventaire forestier évolue régulièrement pour répondre aux préoccupations en matière de santé des forêts. Ainsi, les données sur les gélivures ou la dorge du sapin ne sont plus collectées aujourd’hui, car l'information sur ces phénomènes est moins nécessaire. Des données sur le gui, les pourritures à cœur et, plus récemment, sur la pyrale du buis continuent en revanche à être collectées. De nouvelles données sur le manque de ramification des feuillus et le manque d’aiguilles sont collectées depuis 2021. Elles viendront, en complément des mortalités de branches, mieux décrire l’état des houppiers des arbres et ainsi mieux qualifier l’état de santé des forêts et son évolution.

Mis à jour 13/10/2023